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Le vase de nuit

Le vase de nuit. Chaque dimanche, ma mère, mes frères et moi étions invités à venir dîner chez mes grands-parents paternels. Après le repas, mes frères aînés nous quittaient pour se rendre à leurs activités dominicales favorites (sport, pêcne, cinéma, patro, ... ).

Moi, j'étais encore trop petit, je devais rester près de ma mère.

Par temps de pluie, souvent on me proposait alors de découper des vieux journaux...

J'avais comme consignes de les déchirer par pliage ou de les découper avec des ciseaux selon un format bien précis, et aussi de ne choisir que le papier journal, pas celui des revues illustrées qui était trop lisse. Lorsque mes petits doigts étaient fatigués ae procéder à ces opérations répétitives, on me proposait de varier d'activité.

Les papiers, ainsi découpés, étaient alors chiffonnés un à un puis ramenés aussitôt à leur format initial par le frottement de la paume de ma main. Cette opération avait pour but de rendre les « feuilles » de journaux plus « moelleuses » et plus absorbantes. Lorsque le tas était suffisant, je devais alors empaler chaque coupon sur un crochet métallique réservé à cet effet (à voir au musée); et, s'il y en avait en surplus, les enfiler sur une cordelette, cela constituerait la réserve...

Je me souviens que ces manipulations successives du papier avaient comme conséquence de me rendre les doigts poisseux d'une encre noire, grasse, peu indélébile.

Compte tenu de la finalité de ces papiers, on imagine aisément qu'il n'y aurait pas que les doigts de l'usager qui allaient ainsi être maculés.

Le travail accompli, le crochet et la liasse allaient prendre place au cabinet au fond du jardin. C'est dans cette petite maisonnette qu'on allait faire ses besoins, comme on disait à l'époque car « faire caca » était jugé trop vulgaire.

En guise de siège, une planche munie d'un trou d'environ 25 à 30 centimètres sur lequel était posé un couvercle (à voir au musée); lorsqu'on enlevait celui-ci, on pouvait voir une cuve dans laquelle baignaient excréments et papiers dans un brouet peu ragoûtant.

Lors de la défécation, il était souvent utile de se relever un peu afin de ne pas recevoir d'éclaboussures; en effet, la goutte ascendante provoquée par la chute de l'étron atteignait avec une précision déconcertante l'orifice terminal du tube digestif.

La porte du cabinet était munie d'une petite ouverture (souvent) en forme de cœur...

Pour apporter un peu de lumière? Pour aérer? Pour laisser aux mouches le loisir de venir nous chatouiller les fesses? Pour permettre de rompre l'intimité par un regard indiscret, impromptu ou coquin?

Revenons à la cuve! Lorsque celle-ci était pleine, le contenu allait être versé dans un sillon creusé dans le jardin puis immédiatement recouvert par quelques coups de bêche... Cela constituait un engrais naturel bien utile pour les légumes du potager. Autrefois, rien ne se perdait !

Aujourd'hui, ces petites maisonnettes ont disparu ou ont été transformées en remises à outils.

Pendant la nuit, c'est au pot de chambre que l'on avait recours en cas d'urgence, se déplacer dans le noir au fond du jardin eut été une expédition trop périlleuse. Ce récipient vulgairement appelé « pisse-pot' » était plus noblement nommé « vase de nuit » ; malgré sa finalité, il était parfois richement décoré. Dépourvu de couvercle, il était glissé sous le lit (voir photo).

Le musée de la Fourche et de la Vie rurale ne contient pas que des outils.

Joseph Andrien

print Paru dans le n° 391 de urlBlegny Initiatives du 21 oct 2008

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien