monte-sac

Saint Donat

Par deux fois déjà, la poussière s’était soulevée du sol pour venir se coller à mes paupières ...

Absorbé par mes rêveries, je continuais de voyager poussant mon petit camion qui parcourait les chemins que je lui avais tracés dans le sable. Avec mes lèvres, j’imitais le bruit du moteur qui changeait indéfiniment de vitesse à chacune de mes respirations.

Seul, au fond du jardin, à l’ombre du vieux prunier, je jouais tranquillement, insouciant.

Tout à coup! « Josèèèph! Rentre im-médiat’ment ! »

C’était ma grand-mère qui me rappelait illico. La voix forte, le rythme saccadé et le ton impératif du commandement me firent comprendre qu’il fallait obéir au plus tôt.

Le ciel lui aussi se montrait menaçant et grondait au loin.

- « Va vite fermer les fenêtres des chambres, fais attention de ne pas coincer les rideaux et puis ferme bien toutes les portes ... » De la vitrine du buffet elle prit une statuette et du tiroir en retira un cierge (celui qu’elle avait reçu du prêtre, le jour de la Chandeleur).

Elle disposa l’ensemble avec un petit napperon sur le coin de l’archelle à la manière d’un petit autel. Elle alla s’asseoir dans le fauteuil les mains jointes et les yeux fermés...

Dehors, le ciel s’était assombri et des bourrasques de vents secouaient la végétation dans tous les sens. Les éclairs étaient suivis de plus en plus rapidement par le tonnerre assourdissant, fracassant... Les vitres étaient martelées par de grosses gouttes de pluie dessinant des arabesques éphémères glissant aussitôt en sillons ondulants, la transparence devenue translucidité ne me permettait plus de voir au dehors...

Je me mis à dessiner des chemins et à rêver de voyages en camion...

Je n’avais pas peur, mais je tressaillis néanmoins lorsque la foudre s’abattit avec une violence extrême vraisemblablement sur le clocher de l’église toute proche de la maison... Le sol trembla, le chat quitta précipitamment son panier pour se réfugier sous l’armoire, ma grand-mère ouvrit les yeux en direction de saint Donat et chuchota des paroles que je ne compris pas.

L’orage quitta lentement le ciel de notre maison pour s’en aller au loin; la pluie cessa, le vent tomba et la lumière du soleil réapparut... Par la fenêtre, émergeant d’un sol fumant je vis les légumes et les fleurs du jardin couchés dans tous les sens...

Seul le vieux prunier, une fois encore mutilé, pensait à Benjamin Franklin; quant à nous, nous en sommes convaincus, c’est à saint Donat que nous devions notre salut.

Ci-joint, deux statues de saint Donatien (en abrégé saint Donat). Toutes deux représentant un soldat romain avec une palme (symbole du martyr) ; l’une tenant des éclairs dans la main droite et l’autre au pied de laquelle on peut voir une église frappée par la foudre.

Motifs d’invocation: L’orage, la tempête, la foudre, la grêle et même la peur chez les enfants.

Au musée, au travers de la collection de plus de 100 statues de saints différents, sont évoquées les croyances et dévotions d’aujourd’hui et d’autrefois.

Joseph Andrien

print Paru dans le n° 395 de urlBlegny Initiatives du 24 fév 2009

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien