Le tank

Le « tank »

Le mercredi, sur le marché, mon frère et moi étions souvent attirés par les jouets que présentait un camelot congolais.

Tant les couleurs vives et chatoyantes des objets que le teint d’ébène ciré du vendeur nous fascinaient.

Il prenait un hélicoptère en métal peint (pas de plastic à l’époque), puis le balançait de gauche à droite en croisant nos regards...

Avec un large sourire, il nous serinait: - « Pas cher !... pas cher !... »

La blancheur de ses dents et le blanc de ses yeux nous troublaient et estompaient les couleurs de l’hélico.

Puis, c’était un camion de pompier qui allait prendre le même sillage...

- « Pas cher !... pas cher !... »

Bien sûr, nous n’avions pas de sous en poche.

Alors après un moment, ne voyant pas de réactions, il s’adressait à nous en wallon approximatif:

- « ... èsse po loukî ou bin atch’ter sacwè ? » (Est-ce pour regarder ou pour acheter quelque chose ?)

Son oeil n’était plus souriant.

Ma mère, quittant l’échoppe du maraîcher, allait nous rappeler impérativement.

- « Venez les enfants! »

Et nous, d’attirer son attention :

- « Tu as vu, maman, les beaux hélicoptères ? ... »

- « Oui, mais ils sont beaucoup trop chers... »

Pour nous, pas question de « pîler » ; demander avec insistance en pleurnichant n’était pas de mise et certainement pas la bonne solution pour arriver à nos fins.

Elle savait habilement détourner notre attention.

-« II est midi passé, il est temps de rentrer. Nous allons préparer un bon repas. Aujourd’hui, au menu : une bonne salade bien fraîche, des côtelettes bien juteuses et comme dessert une délicieuse macédoine de fruits frais... ».

Déjà, l’hélicoptère fondu avait un goût de fraises.

Nous n’étions pas riches au « sortir » de la guerre. On ne nous achetait pas beaucoup de jouets...

Mais nous n’étions pas moins heureux pour la cause et nous savions rêver, imaginer et créer des jouets qui nous procuraient beaucoup de plaisir.

En voici un que j’ai recréé et que nous baptisions « le tank ». Il avance tout seul et est capable d’escalader des monticules de sable et sortir de certaines ornières.

Outils et matériel nécessaires : un petit marteau, une scie à découper, une bobine, un élastique, un morceau de bougie (qui servira de lubrifiant), un bois à brochette, deux petits clous et c’est tout.

Observez le modèle attentivement.

Je vous invite à le reproduire et à venir comparer les performances de nos « chars d’assaut » lors de votre prochaine visite.

Joseph Andrien.

print Paru dans le n° 414 de urlBlegny Initiatives du 23 nov 2010

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien