Le silex troué. (Li trawé flin)
Un bruissement dans la cour!
C’est peut-être le chat ?
Il me semble toutefois qu’on chipote à la porte...
J’entends un bruit de verre qui se brise... puis un cliquetis.
Mais on rentre dans la maison. Pas de doute, je reconnais le grincement caractéristique de la porte d’entrée.
Ma femme se retourne vers moi et me murmure :
- Tu ne vas pas voir ?
- Et s’il était armé ?
Ce sont les marches des escaliers qui commencent à se plaindre... ; manifestement on monte à l’étage.
- Tu ne vas pas rester sans réagir ? J’espère ! (II y a des moments où je préférerais être une femme.)
Assurément, l’intrus est maintenant sur le palier.
Mon taux d’adrénaline ne cesse de monter ainsi que le nombre de mes pulsations cardiaques.
- Et c’est comme ça que tu défends ta famille ?
La peur au ventre... En une fraction de seconde, je bondis hors du lit et lui saute au cou avec une rage féroce.
- Aie !... Aie ! Mais qu’est-ce que tu me fais ?
Ce sont ces cris-là qui m’ont sorti de mon cauchemar.
Mon épouse avait été réveillée en sursaut par l’étreinte un peu forte que j’avais exercée sur son bras. (Encore bien qu’il ne se fût agi que du bras; car si c’eût été du cou, elle n’eût pu crier.)
Hébété, je lui fis le récit de mon rêve tourmenté.
- A ! Si dj’åreû-st avou eûne pîre di macrale ! [Ah! Si j’avais («aurais») eu une pierre de sorcière !]
Il s’agissait, autrefois, d’un silex, naturellement troué, qu’on suspendait au-dessus du lit, pour se prémunir des maléfices mais aussi des cauchemars. Pour que les effets en soient plus efficaces, ce silex était parfois placé sous l’oreiller.
Dans les étables, les écuries, ce silex pouvait également préserver les animaux du cauchemar. L’on estimait que si le poil était trempé de sueur, si le crin était dressé ou mêlé, c’est que la nuit avait été agitée.
Un cousin agriculteur m’avait dit un jour que si une vache (par exemple) ne s’étirait pas le matin, c’est qu’elle n’avait pas bien dormi et que cela pouvait être un signe de mauvaise santé. Cette pratique du silex est tombée en désuétude.
Joseph Andrien
Paru dans le n° 419 de
Blegny Initiatives
du 26 avr 2011