Souvenir funéraire

Souvenir funéraire

Le médecin avait déjà conseillé à la famille d’inviter un prêtre pour l’extrême onction.

Dès l’agonie, les parents récitaient des prières en maintenant un cierge béni (celui reçu le jour de la chandeleur) dans les mains de la mourante.

Rongée par la maladie, elle n’avait que 17 ans lorsqu’épuisée, Jeanne toussa pour la dernière fois. Ses parents (mes grands-pa-rents paternels), bien qu’il s’y attendaient, lui prirent chacun la main comme pour la rete-nir et lui transmettre encore un peu de leur amour...

Grand-maman lui passa la main sur le vi-sage pour lui fermer les yeux. (Cela devait se faire au plus tôt pour éviter que le défunt n’en appelle un autre.)

Les miroirs étaient occultés et les objets brillants évacués pour éviter que l’âme ne s’y reflète au passage et n’y reste prisonnière.

Sa sœur aînée Maria, 25 ans, et son plus jeune frère Gérard, 15 ans (mon futur papa) allaient eux aussi être plongés dans la désolation.

Puis ce fut le rituel de l’ensevelissement, l’exposition de la dépouille... et les nombreuses visites de condoléances.

Juste avant de la mettre en bière, grand-maman lui coupa sa longue tresse qu’elle noua avec un ruban de satin blanc et enfin la disposa en couronne au pied du Christ de porcelaine qu’elle rechapeauta de son globe de verre.

Forcément, nous n’avons pu connaître cet événe-ment, mais mon frère aîné se souvient encore du souvenir funéraire de notre tante défunte.

Mes grands-parents allaient encore vivre d’autres moments pénibles car quelques années plus tard, c’est Maria qui allait également être emportée par la même maladie à l’âge de 29 ans.

Quant à mon père, il disparut en 1947 à l’âge d’à peine 40 ans, laissant derrière lui, ma mère et ses quatre fils ainsi que ses parents maintenant complètement dés-enfantés.

Ma mère conserva une boucle de ses cheveux dans un écrin baguier.

Dans ce témoignage, les cheveux furent conservés tels quels...; mais de l’époque romantique jusqu’à la fin du 19e siècle, les réalisations artistiques de souvenirs funéraires en cheveux (photo) étaient très en vogue.

J. Andrien

print Paru dans le n° 429 de urlBlegny Initiatives du 20 mars 2012

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien