Prise et chique de tabac

Prise et chique de tabac (Pènêye èt tchike di role)

C’était toujours dans la cour ou alors dans le jardin que mon grand père snifait... et pour cause.

Du pouce et de l’index aux empreintes pro-fondes, il prélevait une bonne pincée de tabac impalpable qu’il portait directement à chaque narine. S’il ne pouvait plus introduire ses doigts dans la boite étroite et oblongue, alors il tapotait sur celle-ci afin de saupoudrer un peu du produit sur le dos de sa main gauche qu’il présentait derechef à chaque orifice nasal...

Le résultat était le même : après inspiration profonde, ses moustaches grisonnantes devenaient brunâtres ainsi que le bout de son nez.

Ensuite, campé sur ses jambes légèrement écartées, il relevait la tête tout en gardant les yeux mi-clos et il sem-blait attendre...

Si d’aventure, je me trouvais dans son «giron» trop immédiat, il me faisait signe de m’écarter et de rester derrière lui... Et pour cause !

Posté derrière lui, je pouvais observer sa stature solide et sa tonsure auréolée de cheveux blancs hirsutes... Il soupirait tout en poussant de petits gémissements d’aise...

Puis brusquement, c’était l’apothéose... Dans un bruit presqu’effrayant, il éternuait plusieurs fois suc-cessivement, provoquant «déjection» et éclaboussures. (Beurk!)

« Ah Djôsèf ! Qui çoula m’fèt dès bin ! » (Ah Joseph ! Que cela me fait du bien !)

Le rituel se terminait toujours par les «trompettes de Jéricho» car il se mouchait si bruyamment qu’on aurait dit qu’il s’essayait à la trompette. En cachette, j’ai voulu expérimenter ce genre de pratique.

Mal m’en prit. Et pour cause...

Mes fosses nasales s’enflammèrent douloureusement, et au lieu de provoquer éternuements, ce sont nausées et vomissures qui furent la conséquence de mon délit. Pouah ! Comment peut-on dire que cela fait du bien ?

Le pot aux roses fut découvert par ma grand-mère qui, bien que me portant secours, me gronda sévèrement.

Inutile de dire que mon grand-père (bien qu’innocent) en prit pour son grade également.

Pour ce qui concerne les chiques de tabac, cela provoquait une salivation excessive, nécessitant crachats à répétition. Beurk!

Cette consommation de tabac à mâcher était surtout pratiquée par les mineurs de fond, lesquels ne pouvaient évidemment pas fumer au travail.

Là aussi, j’avais également tenté d’y goûter... mais franchement dégueulasse.

J. Andrien

print Paru dans le n° 433 de urlBlegny Initiatives du 23 août 2012

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