Le couteau à pain

Le couteau à pain

Devant la ferme et presqu’en bordure de la route, se trouvait un four de forme circulaire chapeauté d’un toit conique; c’est là où j’allais passer mes vacances.

Pas dans le four bien sûr, mais dans une fermette (toujours en exploitation) située dans le village ardennais de Hodister. A cette époque (dans les années cinquante), le village ne connaissait que très peu la modernité et vivait dans une forme d’autarcie.

Bon nombre d’activités suscitaient mon intérêt ...

Aujourd’hui, je repense plus particulièrement à la fabrication du pain. Certes, je ne vais pas en détailler toutes les étapes (cela prendrait trop de temps et trop de place) mais simplement en évoquer quelques particularités.

D’abord, que le préchauffage du four s’effectuait à partir d’un feu vif alimenté par des fagots stockés sous le four à l’abri de l’humidité. La température du four était jugée en fonction de la couleur des briques réfractaires. Les tisons étaient alors répartis sur le pourtour intérieur du four; puis on enfournait les «pâtons» ou «mérons» (masses de pâtes roulées et arrondies en forme de pains). La gueule du four fermée, la cuisson se poursuivait plus ou moins à l’étouffée; de menus conduits permettaient néanmoins l’évacuation de la fumée (peu abondante) mais aussi des par-fums odoriférants qui allaient, par voie de conséquence, taquiner mes glandes salivaires.

Les énormes pains, souvent d’épeautre ou de seigle, pesaient deux, voire trois kilos. Ils allaient être recuits de manière à en assurer une meilleure conservation puis après refroidissement, être conservés dans une huche à pain (sorte de grand coffre en bois placé dans un endroit sec qui servait à préserver farines et pains de l’humidité, mais aussi des souris).

Après le pain, on profitait encore de la chaleur du four pour procéder quelquefois à la cuisson de pâtisseries ...

Et puis, comme l’esprit était à l’économie, le four était sollicité par des voisins afin d’encore bénéficier de la chaleur engrangée par les briques; relancer le four demandait moins d’énergie ...

Vu la grandeur des pains et leur dureté, il n’était pas facile de les trancher aussi utilisait-on un couteau à pain très spécial (voir photo).

La fermière enserrait le pain entre sa main gauche et sa poitrine et à l’aide de la main droite, après l’avoir préalablement signé d’une croix avec la pointe du couteau, elle cisaillait, non sans peine, de longues tranches épaisses.

Le crochet permettait de prendre appui sur l’avant-bras et ainsi de donner plus de force au levier inter-puissant. Le deuxième modèle, en deux parties, permettait l’amovibilité du couteau.

J. Andrien

print Paru dans le n° 434 de urlBlegny Initiatives du 25 sept 2012

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien