Le couteau à pain

Le fer à boeuf

- « C’est quoi ça, M’sieur? »

- « Un fer pour ferrer l’onglon du bœuf de trait. »

Jusque là, je n’avais rien compris, mais je n’allais pas tarder à recevoir des explications complémentaires très particulières...

Comme pour le cheval, il était nécessaire de ferrer les ongles du bœuf de trait afin que ceux-ci ne s’usent pas trop vite. Le fer a une forme particulière (voir photo) ; la « semelle » est clouée sous l’onglon et le rebord métallique est ourlé sur le dessus de l’onglon afin d’en assurer un bon maintien. Ces opérations s’effectuaient à la forge.

Durant la guerre 14-18, bon nombre de chevaux avaient été réquisitionnés par les armées (tant nationales qu’occupantes); ainsi dans les petites exploitations agricoles ardennaises avait-on recours à d’autres animaux d’attelage (bœufs, vaches, ânes, moutons, chiens... ).

Le cheval marche sur un «doigt» tan-dis que le bœuf marche sur deux «doigts»; ainsi, s’il faut quatre fers à un cheval, il en faudra huit pour le bœuf.

Le bœuf est attelé au joug (pièce en bois ou en métal maintenue sur la partie supérieure du front avec des liens de cuir ou de corde noués au-tour des cornes).

Le bœuf tire avec la tête; toute la force s’exerce sur les pattes avant. (L’usure des fers était souvent plus importante à l’avant). Pour comprendre cela, il suffit de se représenter une caricature de taureau... Il a une grosse tête, un gros cou, un gros poitrail

mais un petit cul. De temps en temps il gratte le sol de ses pattes avant et baisse la tête en signe de menace... Ses pattes arrière ne lui servent que de « locomotion » (la nuance est évidemment exprimée par les guillemets). Le bœuf est obstiné et rageur... ça passe ou ça casse.

Le cheval, lui, est attelé au collier; la résistance s’effectuera sur sa poitrine et sa force principale sera exercée par ses jambes arrière. Lors de l’examen d’un bon cheval de trait, c’est principalement l’« fessàrd » (les muscles fessiers) qui requièrent l’attention du maquignon... Lors de démonstra-tions de force, on peut constater que le cheval prend appui sur ses jambes avant, mais que ce sont ses membres postérieurs qui poussent avec énormément d’énergie.

Ainsi on peut presque dire que le bœuf est une « traction avant » et que le cheval est une « propulsion arrière » !

Dans les terrains marécageux, le bœuf est plus efficace que le cheval car les sabots de ce dernier font « ventouses » lorsqu’ils s’enfoncent dans la boue, cela nécessite des efforts supplémentaires pour se désembourber.

Comme on peut le constater, le bœuf de trait avait beaucoup de qualités mais il a un très gros défaut : il est lent, lent, lent...

Ceci constitue donc l’essentiel du témoignage que m’avait livré un ancien maréchal-ferrant, il y a de cela 60 ans.

J. Andrien

print Paru dans le n° 435 de urlBlegny Initiatives du 23 oct 2012

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien