oeufs

Des oeufs mollets ? Oui, mais comment?

Ma préparation préférée des œufs était et reste encore celle dite des œufs à la coque.

Quand j’étais petit, si l’œuf n’était pas bien cuit, je faisais la grimace et s’il était trop cuit cela me déplaisait tout autant.

Awè, cwand d’ièsteûs p’tit, si l’oû n’èsteut nin bin cû, dj’iféve li hègne.

Non, ce n’était pas des airs d’enfant gâté ! Il s’agissait tout simplement d’une appréciation culinaire que d’aucuns, j’en suis sûr, partageront avec moi. Un bon œuf mollet doit avoir le blanc bien coagulé, mais le jaune doit rester liquide.

Ma grand-mère avait à cœur de bien les préparer pour me donner satisfaction.

Elle déposait délicatement l’œuf dans l’eau bouillante à l’aide d’une cuillère à soupe puis immédiatement elle actionnait le sablier.

Mais voilà, malgré les précautions, il arrivait que les œufs se fissurent lors de la pose au fond du poêlon ou lorsqu’ils s’entrechoquaient. Apparaissait alors une boursoufflure blanchâtre peu agréable. Quelquefois aussi, grand-maman très occupée négligeait de surveiller le sablier; alors très empressée, elle retirait les œufs, espérant qu’ils ne soient pas cuits durs.

Placé dans le coquetier que je nommais « cocotier » dans mon langage enfantin, l’œuf était aussitôt décolleté d’un coup sec avec un couteau de cuisine. Cette opération était effectuée par ma grand-mère avec plus ou moins de réussite; car parfois, il fallait s’y reprendre à plusieurs fois ce qui engendrait des brisures d’écailles difficiles à séparer de la « chair » de l’œuf.

Bon gré mal gré, je mangeais avec plus ou moins de délectation selon la qualité de cuisson. Si le blanc restait visqueux, cela me dégoûtait quelque peu; et si le jaune était trop cuit, son aspect farineux et son odeur soufrée annihilait mon appétit...

Et comme pour induire mon appétence et masquer l’échec, ma grand-mère me disait d’une voix enjouée : « Et, voici deux bons œufs mollets pour notre petit Jozzèèèfl. »

Et mon grand-père, percevant que la situation m’était ennuyeuse, d’ajouter avec son humour habituel:

« Èt deûs bons cocos po nosse nozé coco ! » (Et deux bons œufs pour notre petite garçon mignon!)

Plus tard, de nouveaux ustensiles allaient remédier aux difficultés évoquées.

En effet, (à voir au musée) : la coquetière (sorte de petit panier en métal tressé) allait faciliter la plonge des œufs, mais aussi éviter qu’ils ne s’entrechoquent pendant la cuisson; les « ciseaux à décolleter » allaient assurer une coupe nette de la coquille et enfin le « sablier-réveil » allait avertir par une petite sonnerie que le temps était écoulé...

J. Andrien

print Paru dans le n° 449 de urlBlegny Initiatives de janvier 2014

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