Marcel

Marcel et Marcelline.

Ce jour-là, elle avait décroché le miroir mural pour le poser sur la table et l’incliner contre la cafetière. C’était rare qu’elle procède de la sorte, mais ce jour-là c’était jour de Pâques.

Toute la famille assistait à la grand-messe de 11 heures.

Li dimègne di Pàke, tote li famile f ’rè s’bon djoû a l’mèsse di 11 eûres.

Elle commença d’abord par démêler ses longs cheveux gris à l’aide d’un peigne court qu’elle tenait à poing fermé. Cette opération n’était pas toujours sans peine car j’avais pu voir à plusieurs reprises qu’une grimace de douleur crispait son visage. (Et oui, il faut souffrir pour être belle!). Préalablement, elle avait posé des fers à friser ( fiérs a croles ) sur la taque du poêle en ayant soin de laisser dépasser les poignées... Des cheveux tirés, elle prélevait de petites mèches juste au contour de son visage, les enduisait de bière de table (faisant office de laque), puis les enrou lait tour à tour sur un fer chaud qu’elle maintenait quelques minutes.

A chaque fois, une spirale capillaire oscillait à la manière d’un ressort souple suspendu à la naissance de son front ou de ses tempes... Ces manipulations étaient parfois ponctuées de «aïe» ou de «ouïe» selon que le fer lui brûlait le cuir chevelu.

Beurk ! Cela ne sentait pas bon !

Ces boucles étaient ensuite aplaties pour leur donner la forme d’accroche-cœur avec un fer spécial.

Pour ce qui est du sommet du crâne, elle utilisait un fer à gaufrer qui donnait ampleur et ondulation à ses cheveux d’ordinaire étriqués.

Avec dextérité elle torsadait le reste de ses cheveux pour réaliser un chignon qui sera maintenu à l’aide de peignes en écailles de forme cintrée. Avant de partir, elle se coiffera d’un minuscule chapeau à plumes qui enserrera son macaron.

Mon grand-père, une raie médiane bien tracée, avait plaqué ses cheveux de chaque côté avec de la brillantine bleue. Profitant du fer à guiche et de la bière, il avait relevé ses moustaches pour leur donner une forme riante et coquine.

Tous, vêtus de nouveaux vêtements, allions alors à l’église.

Tout en refermant la porte de la maison, grand-papa me susurra: « Elle est belle, hein, ta grand-mère avec sa nouvelle tête et son nouveau paletot ».

« Èlle èst gåye, hin, grand-maman avou s’novèle tièsse èt s’novê pal’tot. »

A mon avis, les accroche-cœurs fai saient effet...

A m’îdève, lès acroche-cœûrs fît èfèt...

Mais pourquoi ce titre ?

Le fer à friser ( fiér a croIes ) était et est toujours appelé le fer Marcel (voire le marcel) du prénom de son inventeur Marcel Grateau (1870). Quant à la « Marcelline », il s’agit d’une épingle à cheveux donnant la vraie ondulation Marcel. Mais comment ???

J. Andrien

print Paru dans le n° 451 de urlBlegny Initiatives de mars 2014

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