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La sape et le croc (Li fåcèye èt l'graw'têl)

En vacances en Ardennes, je me souviens de l’été 1953.

Afin de permettre le passage des javeleurs ou de la barre faucheuse, on pratiquait un passage sur le pourtour du champ de céréales (Seigle ou avoine?).

C’est à la sape (fåcèye) quej’ai vu effectuer ce dur travail. Pour ce faire, le faucheur utilisait la sape de la main droite et de l’autre le crochet (appelé aussi croc)(graw’tê). A l’aide de ce dernier, le cultivateur accrochait une petite quantité de céréales qu’il coupait et couchait afin de faire une sorte de mini andain. C’était souvent la femme qui aussitôt rassemblait les tiges pour en faire des gerbes; qu’elle liait avec dextérité à l’aide de brins qu’elle torsadait à la manière d’une corde.

Le périmètre du champ ainsi circonscrit allait grandement faciliter le travail du ou des faucheurs.

Remarque : L’utilisation de la barre faucheuse tirée par le cheval n’était pas toujours possible lorsque le terrain était trop pentu. Quant à la moissonneuse-lieuse elle était inutilisée voire inutilisable dans cette région.

Toujours de la même manière, les femmes allaient ramasser la javelle pour en faire des gerbes qu’elles disposaient en moyettes appelées également dizeaux ( dîhins).

Plus tard, les dizeaux seront démantelés pour être emportés par une charrette adaptée appelée la gerbière.

Mais, revenons à la sape et au croc (photo). La manipulation intensive de la sape allait vite fatiguer le poignet de l’utilisateur... Aussi, de manière astucieuse le faucheur plaçait un brassard à l’avant-bras qu’il reliait à la base du manche de la sape. La triangulation ainsi obtenue allait grandement répartir les forces, rigidifier la prise, soulager la fatigue et par conséquent augmenter le rendement.

Observons le croc. Si l’on peut voir des petites stries sur le manche, c’est qu’il a été utilisé pour enlever le morfil de la lame après battage et aiguisage. Le manche est percé d’un trou de forme un peu particulière... Il s’agit d’un œil destiné à permettre le passage de la lame de la sape lors de son transport de la ferme au champs.

En effet, le dos de la lame ainsi enfilée viendra se coller contre le dos du porteur sans risquer de le blesser... CQFD.

Si ces explications paraissent trop techniques et difficilement compréhensibles, alors rendez-vous au musée pour unedémonstration plus explicite.

J. Andrien

print Paru dans le n° 453 de urlBlegny Initiatives de mai 2014

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien