planche à fromage

La planche à fromage

Le saviez-vous ? Le lait à peine trait était versé dans une large cuve où certains habitants du Pays de Herve étaient invités à venir se laver les pieds. Ces personnes étaient sélectionnées et répertoriées en fonction de leur généalogie, de leur « pedigree » ; elles avaient un génotype particulier, à savoir un germe « propre » capable de faire fermenter le lait... Cela allait conférer au fromage une saveur exceptionnelle mais une odeur, un parfum, une « fragrance » qui rappelle, qui rappelle...

C’est vrai ?... Bien sûr que non ! C’est une façon pour moi de « prendre mon pied » ; une manière de plaisanter et de taquiner le visiteur. Le musée ne doit-il pas être un lieu de conservation, d’enseignement mais aussi de délectation, de plaisir ?

Revenons plus sérieusement à la fabrication du fromage de Herve (appelé aussi Remoudou) telle qu’elle était pratiquée autrefois.

Le lait était retrait à la main (en wallon : rimoudou) c’est à dire qu’on retrayait la vache un quart d’heure après la traite habituelle; le lait ainsi obtenu était beaucoup plus riche en graisse et donc allait produire un fromage plus crémeux. Le lait, sans refroidir, était directement versé dans une tine (photo) où il était «ensemencé» de présure (une enzyme prélevée dans une partie de l’estomac du veau: la caillette). Cette enzyme a la particularité de faire coaguler le lait et de le diviser en une partie solide appelée: caillé et une partie liquide: le sérum.

Toute l’astuce du fromager était de déterminer le degré de fermeté du caillé à l’aide de son doigt qu’il enfonçait dans la masse. Si la dureté était suffisante, le caillé allait être ensuite découpé, émietté à l’aide d’une lyre appelée également brise-caillé (photo) jusqu’à l’obtention de granules de la dimension d’une cerise. Pour prélever le sérum, le fromager enfonçait délicatement une passoire (en wallon :li frèzeû) et à l’aide d’un poêlon (photo) recueillait le liquide qui servira d’aliment pour les veaux. Le caillé brisé était alors versé délicatement dans les filières de la table d’égouttage (appelée également planche à fromage) ; ces filières seront serrées et calées par des coin en bois.

Après quelques heures, les bandes de fromage seront retournées de nombreuses fois puis découpées en cubes (le fromage de Herve étant toujours cubique).

Vingt-quatre heurs plus tard, les cubes seront salés par friction sur toutes les faces puis tournés et retournés pour que chaque face enduite de gros sel soit exposée à l’air libre.

La fabrication du fromage est en somme terminée, mais une étape très importante viendra peaufiner la maturation du fromage; cette opération s’appelle l’affinage. Les fromages étalés sur des étagères dans les caves des affineurs seront lavés régulièrement à l’eau légèrement salée. Après plusieurs semaines, voire plusieurs mois, les fromages vont prendre une coloration rosée que l’on appelle : la morge. Ce phénomène est produit par une bonne bactérie (bacterium linens) spécifique aux caves de la région.

Mm ! Quel délice ! Moi, c’est avec du sirop que je l’apprécie le plus. Qu’est-ce qu’on en a mangé quand j’étais gamin!

Aujourd’hui, ce type de « planche à fromage » en bois n’est plus autorisée par l’AFSCA pour cause de conta mination de bactéries (Listéria et autres... ).

Le fromage de Herve au lait cru, lequel était fabriqué dans de très nombreuses fermes régionales, a presque complètement disparu.

Les normes d’hygiène devenues trop strictes ont eu raison des petits producteurs locaux qui ont laissé la place aux industries parfaitement aseptisées.

Voilà qui est trop sérieux, ça ne m’fait plus rire!

J. Andrien

print Paru dans le n° 483 de urlBlegny Initiatives de février 2017

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien