La batte à feu

La batte à feu

J’avais pressenti qu’ils manigançaient quelque chose que je ne devais pas savoir. J’étais le cadet de la bande et mon frère plus âgé me trimbalait contre son gré. Cela me faisait penser à une sorte de complot ; ils se parlaient à voix basse ou en se chuchotant dans les oreilles...

Arrivé dans un chemin étroit flanqué de murs en vieilles pierres échevelés d’herbes sèches, le plus grand s’arrêta et m’enjoignit de rester là.

Le groupe poursuivit son chemin d’encore quelques mètres ; tous regardaient à un endroit précis du mur. A l’aide d’une baguette prélevée dans l’environnement proche, un des garçons y accrocha un petit sac qu’il tenta d’introduire dans une anfractuosité du mur. Cela provoqua le réveil des guerrières de plus en plus menaçantes. Il fallait faire vite !

C’est à ce moment que je compris quel était le but de l’expédition: la destruction d’un guêpier.

L’allumette craquée mit le feu à la poudre qui dans une gerbe de feu enflamma derechef l’herbe sèche. Le mur fut vite embrasé mais pire, le feu se propagea assez rapidement dans un jardin en surplomb tout en dégageant une épaisse fumée. C’est alors que nos larrons se sont transformés en pompiers improvisés. Rapidement, ils ont déserté les lieux mais pour revenir aussitôt munis de seaux ou de bêches... La fontaine publique, qui se trouvait non loin de là, n’avait pas assez de débit pour remplir les seaux suffisam- ment vite ; les bêches et les pelles étaient plus efficaces. Le feu s’est alors calmé faute de carburant... Mais tous, nous avions eu la trouille; surtout le fils du garde-champêtre!

Il ne faut pas jouer avec le feu et encore moins avec de la poudre de cartouche!

Ah, si nos lascars avaient eu des battes à feu, l’incendie d’herbes sèches aurait été vite maîtrisé.

Alors que dans le musée on peut voir l’outil (photo) dont je connaissais la finalité mais pas le nom ; un visiteur averti, pompier de profession, m’informa en wallon qu’il s’agis- sait : « d’on bate-feu », soit en français d’une batte à feu.

Autrefois, à la sortie de l’hiver, les agriculteurs entretenaient les prairies en brûlant l’herbe sèche et veillaient à ce que le feu ne se propage en utilisant parfois des battes à feu. Ces objets ne sont pas désuets et sont encore actuellement utilisés par les pompiers.

J. Andrien

print Paru dans le n° 486 de urlBlegny Initiatives de mai 2017

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien