La boîte à éponge
Comme j’avais bien travaillé à l’école (j’étais en 1ère primaire), mes grands-parents m’avaient offert une toute nouvelle ardoise en pierre avec une «touche* au beurre» ainsi qu’une jolie boite à éponge décorée d’une scène multicolore.
Quel changement et quelle valorisation!
- « Tu devras faire bien attention car elle coûte cher et elle est fragile; si elle tombe, elle casse... »
Cela, je le savais déjà, mais un rappel n’était pas superflu.
- « Je vais mettre la vielle ardoise en carton de côté au cas où... »
Poliment, j’interrompis ma grand-maman, pour lui dire que j’étais trop content et que j’en prendrais grand soin!
Toute l’après-midi, j’ai joué avec mon ardoise. Alors que les touches de pierre [crêyon d’pîre] crissaient et grattaient le revêtement sablé de l’ardoise en carton, le crayon blanc et gras glissait « soyeusement » sur la surface lisse (si j’ose me permettre ce néologisme).
Mille fois, j’ai écrit, fait des calculs et dessiné ; mille fois j’ai tout « r’effacé » [rèfacé]. La nouvelle éponge, en caoutchouc, était bien pratique car elle restait accrochée aux griffes du couvercle ce qui permettait de ne pas la toucher.
Le soir venu, mes devoirs scolaires faits, j’ai rangé mon ardoise avec précaution dans mon cartable en ayant soin de l’intercaler entre mes livres et cahiers.
Le lendemain, en classe, je n’étais pas peu fier d’exhiber ma nouvelle ardoise; elle me motivait à bien travailler.
Malheureusement, j’avais oublié ma boite à éponge...
Alors, penché en avant, la tête surplombant mon ardoise, avec mes lèvres, je projetai silencieusement et lentement un crachat légèrement mousseux juste au centre de mon ardoise...
Puis, à l’aide de mes quatre doigts, je maintenais fermement la manchette du bras droit de ma chemise et enfin, j’imprimais un mouvement circulaire du revers de la manche afin de « renettoyer » [rinèti] mon ardoise. Parfois même, j’avais « relèché » [ralètchî] mon ardoise ! Cela n’avait pas bon goût et avait une odeur particulière. D’aucuns s’en souviendront peut-être !
Ce n’était pas la première fois que j’utilisais les manches de mes vêtements comme loque ou comme mouchoir. J’étais grondé par le maître à l’école et par ma maman à la maison.
Mais que fallait-il faire ?
Pour pallier ce manque, maman m’avait confectionné des « coudières » amovibles (voir photo) ainsi je protégeais mes vêtements de l’usure et de la saleté.
Aujourd’hui, c’est sûr, je ne me torche plus le nez sur ma manche. Quoique!
Merci à J.D. qui m’ a offert d’anciennes boites à éponges (photo) dont l’une en carton-mâché vernissé, une autre en fer-blanc [blanc-fiér]. C’est ce qui m’a rappelé les souvenirs évoqués ici.
J. Andrien
Paru dans le n° 441 de Blegny Initiatives de avril 2013