Boîte à épongee

Le p'tit seau réparé

Il faisait très beau et très chaud ce jour-là!

Grand-maman m’avait installé à la table du jardin, juste à l’ombre du lilas...

Plaçant à ma gauche un panier d’osier contenant des haricots secs (ceux-là qu’elle venait de récupérer au grenier) et à ma droite le petit seau émaillé à moitié rempli d’eau fraîche, elle me fit une courte démonstration de ce que je «devais» faire.

Ma tâche consistait à écosser les fèves et les placer dans le seau afin qu’elles se regorgent bien d’eau.

Cela m’amusait beaucoup ! Des enveloppes brunâtres et poussiéreuses il en ressortaient de jolies fèves blanches et brillantes.

Avant de les placer dans le seau, je jouais avec les fèves, «dessinant» des visages, des maisons, des chemins... Je jouais même à faire des calculs.

Alors que j’avais presque terminé mon travail, mon frère aîné vint à passer...

- « Regarde, Joseph, ce que je sais faire l »

Il saisit le seau par l’anse et le fit osciller, d’un mouvement ample, d’avant en arrière ; puis, il prit un élan suffisant pour imprimer plusieurs rotations verticales complètes au seau sans en perdre le contenu.

Enfin, il amortit le mouvement, déposa le petit seau et prit congé de moi.

J’étais stupéfait!

Mon frère parti, je voulus relever le même défi. J’avais bien observé mais sans doute étais-je trop petit ? Le premier essai ne fut pas du tout concluant. Arrivé presqu’à la verticale, la force centrifuge n’étant pas assez forte, le seau se libéra de son contenu... Surpris, j’avais lâché prise et m’étais protégé la tête des deux bras. J’étais trempé du haut en bas. Le fracas du seau et le bruit de mon cri, que je n’avais pu réprimer, alertèrent ma grand-mère.

Ne s’adressant à nous en wallon que lorsqu’elle était en colère, elle me dit de vive voix :

- « I fåt creûre qui t’ès d’vins lès féves, sûremint ! » (II faut croire que tu déraisonnes, sûrement !)

Après quelques taloches «méritées», elle m’enjoignit de ramasser toutes les fèves sans en perdre aucune puis de me tourner contre le vieux prunier jusqu’à nouvel ordre.

Heureusement, il faisait très beau et très chaud ce jour-là !

Le soir, avant d’aller au lit, j’ai retrouvé une fève dans mes habits; je l’ai gardée en main toute la nuit.

Le lendemain, le sujet n’était pas clos... Ma grand-mère me fit remarquer que dans sa chute, le seau avait sans doute percuté une pierre qui avait fait sauté l’émail et perforé le fond du seau.

Le surlendemain, grand-papa avait réparé le seau (voir photo).

En effet, à cette époque, on pouvait trouver, en quincaillerie, des pièces en aluminium qui pouvait permettre la réparation de certains récipients.

C.Q.F.D.

J. Andrien

print Paru dans le n° 442 de urlBlegny Initiatives de mai 2013

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