Le tamis d'escarbilles
Il retira le cendrier du poêle (Ii ridant å cindes) avec délicatesse.
- « Viens, ouvre-moi les portes et suis-moi ! Nous allons jouer aux poules qui picorent... »
Arrivé au fond du jardin, il versa doucement les cendres dans un tamis.
- « Reste derrière moi pour ne pas recevoir la poussière en pleine figure... »
Ensuite, il entra dans la mohinète (la maisonnette) qui jouxtait l’enclos du poulailler ; il en ressortit presqu’aussitôt avec une poignée de maïs à la main.
Les poules avaient vite compris le manège et se bousculaient déjà contre le grillage.
- « Regarde, Joseph ! Observe les poules avec attention ! »
Il jeta le maïs par dessus la clôture... Les grains éparpillés étaient autant de points oranges ressortant du fond gris de la terre battue. Alors, en l’espace de quelques secondes, les poules se précipitèrent en se bousculant, ramassant goulûment cette nourriture céleste sans aucun gaspillage.
- « Tu as bien vu ? »
Il retourna alors près du tamis qu’il agita vigoureusement.
- « Dji m’va croûler les cindes » marmonna-t-il. (Je vais tamiser les cendres).
Cette action eut pour effet de séparer les cendres fines des scories plus épaisses.
- « C’est maintenant qu’il va falloir être aussi clairvoyant que les poules... Il faut récupérer les ‘crahès’ » (escarbilles).
Ici, ce ne sont pas des maïs orange, mais bien des petits grains de charbon restés noirs que mes petits doigts, à la manière d’un bec, devront « attraper ».
Simultanément, avec autant de précipitation que les poules, mon grand-père et moi récupérions les résidus non brûlés du combustible dans une ambiance de rivalité amicale.
A l’époque, rien ne se perdait...
Les escarbilles allaient être recyclées ; elles étaient utilisées, la plupart du temps, pour faire « couver » le feu.
Les cendres fines étaient parfois incorporées dans les sols gras pour les alléger ou encore semées à un endroit du poulailler afin que les poules puissent s’y ébrouer.
Enfin, les scories ou mâchefers étaient épandues dans les allées du jardin afin de les maintenir au sec. En hiver, les cendrées étaient utilisées comme moyen antidérapant.
Mais, le saviez-vous ? On vendait dans les quincailleries des tamis d’escarbilles garantis anti-poussière qui permettaient de tamiser les cendres à l’intérieur.
Par temps de grands froids, il n’était pas toujours facile, pour les personnes âgées, de pouvoir effectuer cette activité de récupération à l’extérieur.
Il y en avait de différentes tailles (à voir au musée).
Le modèle photographié était fabriqué et/ou distribué par F. Gaxatte, Ingénieur A&M, (Chauffage) Boulevard d’Avroy 162 à Liège.
J. Andrien
Paru dans le n° 443 de Blegny Initiatives de juin 2013