Le fer à gaufres. Li fiér å wajes.
- « Viens, nous allons faire des bonnes gaufres ! »
C’est ainsi, que bonne-maman s’était adressée à moi.
Ce jour-là, juché debout sur ma chaise, je pouvais observer ce qui allait se passer dans le petit pétrin de bois.
Bonne-maman ne manquait pas de me faire participer, dans la mesure de mes moyens, à certaines opérations : peser les ingrédients, casser les œufs, dissoudre la levure dans le lait tiède,...
Parfois, de mon index crochu, j’extrayais de petites nokètes de pâte fraîche que je portais derechef à ma bouche goulue...
- « Ne fais pas ça, tu vas être malade ! Ton ventre va gonfler. »
A peine bonne-maman avait-elle le dos tourné, qu’un nouveau trou en dommageait la motte de pâte mais c’était tellement bon que cela valait bien de supporter une petite réprimande.
La maie (mé) recouverte d’une toile en coton écru (djèni coton) allait prendre place sur une chaise devant le four ouvert du poêle. Plus question d’y toucher car le moindre refroidissement pouvait contrarier le levage de la pâte.
La pâte levée allait être re-malaxée (kiprustèye) avec le sucre perlé, puis divisée en pâtons.
Ensuite, c’était la cuisson... Le couvercle du poêle enlevé, bonne-maman le remplaçait par le support du gaufrier, puis y déposait ce dernier de manière à pouvoir le faire tourner sur lui-même...
Dès ce moment, je devais me tenir à distance. - « Attention! C’est très chaud ! »
Pas facile de doser la chaleur..., c’est au pif qu’elle estimait la bonne température.
Zut, zut et zut ! (Bonne-maman ne jurait pas) La première gaufre collait au fer, la seconde se divisait en deux...
Cela faisait mon bonheur, car les brisures à peine refroidies étaient aussitôt englouties.
- « Ah, qu’elles étaient bonnes les bonnes gaufres de bonne-maman ! »
Dans ma quête d’objets du temps passé, j’ai eu l’agréable surprise de retrouver un fer identique à celui qu’utilisait bonne-maman. Pas un petit fer, pas un fer à galettes, pas un fer double, mais bien un gros fer avec de grosses alvéoles et ne permettant que la cuisson d’une seule gaufre à la fois... (photo).
Rien que la vue de ce fer raviva mes sensations gustatives et olfactives d’autrefois.
Pas question de le transformer en une quelconque «œuvre d’art» ou en applique murale, mais bien de lui rendre sa finalité.
J’entrepris donc de faire des gaufres sur la vieille cuisinière à pavé, en repensant à mon enfance, et à bonne-maman.
Je n’étais pas peu fier de réussir la cuisson de toutes les gaufres sans en «coller» aucune. M’en étant vanté auprès de Monsieur A. Schnackers † (ancien boulanger-pâtissier du village); celui-ci me félicita et répondit : - « C’èst ki vos-avez bin ovré vasse påsse » (Vous avez bien travaillé votre pâte).
Aujourd’hui, c’est mon fils qui fait les gaufres; il en a amélioré et peaufiné la recette... Mais top !, il garde son secret. Elles sont dorées, moelleuses, croquantes et succulentes à souhait.
Dès bones èt grosses èt clapantes wafes.
Nous les appelons les bonnes gaufres de bonn’ Fabian. Au fait, savez-vous comment, je re nettoyais (rinètiîve) mon fer d’une fois à l’autre?
Il suffisait de le plonger dans le feu jusqu’à ce qu’il fût incandescent; un coup de brosse métallique, et voilà.
Le musée de la Fourche et de la Vie rurale ne contient pas que des fourches ni qu’un fer à gaufres
J. Andrien
Paru dans le n° 444 de Blegny Initiatives de août 2013