énoyauteur

L'énoyauteur ?

Drôle de pince ! A quoi peut-elle bien servir ?

Un visiteur « averti », après un long examen minutieux de l’objet, subodora :

- « Ci sèreût bin po bodjï les nawès dès preunes... » (Ce serait bien pour enlever les noyaux des prunes...)

Joignant le geste à la parole, il mima l’utilisation de l’ustensile.

Resté dubitatif, j’ai voulu expérimenter concrètement l’objet. Ce ne fût pas très concluant !

La prune posée sur l’anneau restait en équilibre instable, il fallait la maintenir d’une main; d’autre part, les longues poignées nécessitaient une trop grande ouverture de la paume de l’autre main.

Les noyaux restaient bloqués dans l’anneau; le ressort de rappel mal adapté, il fallait repositionner l’outil à chaque essai...

>Quéne totoyei Qué mie-mac

Un autre visiteur plus sagace (pus sûti) prétendit par déduction que l’outil serait mieux adapté pour les cerises (bodjï les pîr’hètes dès eèIÎhes)... Mais rien de moins sûr.

Alors quoi ?

Cela ce passait au début de la création du musée (1989). Ne possédant à l’époque que de quelques vieux dictionnaires illustrés, j’ai cherché à voir si une image aurait été associée au mot « dénoyauter ».

C’est là que j’ai constaté que « énoyauter » et « énucléer » avaient la même signification. Certes plusieurs gravures illustraient les différentes actions mais aucunes ne correspondaient à l’objet dont photo ci-jointe.

Combien de temps cet objet « insolite » allait-il garder son secret?

Un « troisième » visiteur, compétent celui-là, se mit à rire des explications proposées.

- « Nin po lès frûts mins po lès aguèces ! » s’exclama-t-il.

Pas pour les fruits, mais pour les pies ??? Interloqué, je ne compris pas de suite.

Si « aguèce » veut bien dire « pie », il peut également vouloir dire « cor au pied ou oignon ».

L’hallux valgus consiste en une déformation de l’orteil souvent accompagnée d’une callosité (oignon/cor).

Cela est une caractéristique héréditaire transmise par la mère à sa fille et ne résulte pas de la chaussure. Toutefois, l’inconfort engendré par un soulier inadapté, trop étriqué ou le frottement du durillon peuvent accroître sérieusement la sensation de douleur et par voie de conséquence être cause de claudication.

- « Mès srteûts solés n’acwèrèt qu’dèsaguèces ».

Il est nécessaire de donner de l’aisance à cette protubérance.

C’est là la finalité exacte de la pince.

On introduit la mâchoire munie d’une boule à l’intérieur de la chaussure en repérant exactement l’endroit sensé être celui qui sera occupé par l’oignon puis on appuie très fortement et longuement sur les poignées afin de déformer le cuir.

L’oignon à l’aise provoquera un « ouf » de soulagement. D’autres systèmes de déformation de chaussure sont visibles dans le coin du cordonnier du musée quant aux outils permettant d’énoyauter, de dénoyauter ou d’énucléer les fruits, ils feront partie d’une autre histoire...

J. Andrien

print Paru dans le n° 446 de urlBlegny Initiatives de octobre 2013

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien