billes

Des billes de terre... aux billes de bouteilles

C’était toujours comme ça, je ne faisais pas souvent partie des mieux lotis...

Po mès cocagnes, dji n’aveûs r’sû qu’on sètch di mayes di tére qu’on loméve ossi des criskènes.
Comme cadeau de Pâques, je n’avais reçu qu’un sac de billes de terre.

Celles-ci n’étaient pas très prisées des compagnons de jeux. Il fallait le plus souvent miser trois ou quatre billes contre une pour être toléré dans les jeux collectifs. Elles étaient plus petites, plus ternes mais surtout beaucoup moins solides.

Lors des joutes amicales mais néanmoins brutales, les billes étaient parfois propulsées avec force les unes contre les autres. Cela faisait partie du jeu mais souvent les billes de terre volaient en éclats au grand dam de leur propriétaire.

C’esteût les måyes di veûle qu’on z’inméve li mi; lès «japonaises» dihéve-t-on.
C’était les billes de verre qu’on aimait le mieux; les «japonaises» disait-on.

Lumineuses et multicolores elles nous fascinaient; on ne comprenait pas comment on avait pu incorporer de telles étoiles spiralées multicolores au sein même de la bille transparente et brillante. Elles se ressemblaient mais étaient toutes différentes; c’était là le plaisir de la collection.

Pour participer, il fallait impérativement jouer avec une bille de verre ou de pierre... Comme je n’en avais pas, un ami qui utilisait des billes de verre uniformément verdâtres ou bleutées m’avait confié son secret. Ses billes provenaient d’anciennes bouteilles à soda.

J’avais remarqué que dans un coin peu fréquenté de la cave il y avait un ramassis de vieilles bouteilles... et par bonheur des bouteilles à bille (photo).

L’obturation des bouteilles était effectuée grâce à la pression du gaz sur la bille de verre contre un joint de caoutchouc serti dans le goulot de ces dernières. Pour boire, il fallait chasser la bille dans le goulot avec un ustensile spécial (à voir au musée), puis maintenir la bouteille d’une telle façon que la bille reste logée dans un siphon et ainsi de ne pas gêner le buveur. Compte tenu de l’étanchéité peu fiable de ce système de fermeture et du nettoyage difficile, l’utilisation de ce type de bouteilles fut abandonnée.

Awè, dj’a spiyî dès botèyes po ‘nnè prinde li måye !
Oui, j’ai cassé des bouteilles pour en prendre la bille!

Aujourd’hui, en tant que conservateur, je ne pourrais plus concevoir de telles pratiques; mais voilà, elles font partie de notre histoire.

Adon, on djowéve li pus sovint al pote.
Alors, on jouait le plus souvent à la fosse.

Le jeu consistait à creuser un trou dans lequel on déposait la mise, une bille ou trois par joueur. A quelques mètres on traçait une ligne puis on lançait chacun une bille afin de s’approcher le plus près de la ligne car la position de chacun allait déterminer l’ordre de participation. Le premier qui arrivait à placer sa bille dans la fosse empochait tout le contenu de celle-ci.

N’étant pas très habile, je fus vite «ruiné»; alors, le sac vide et le cœur gros je me suis tourné vers d’autres condisciples et ai opté pour d’autres jeux.

J. Andrien

print Paru dans le n° 450 de urlBlegny Initiatives de février 2014

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