L’ouvre-bocal
Pas de surgélateur à l’époque !
Pour conserver les légumes du jardin, mes grands-parents utilisaient le plus souvent la méthode de stérilisation. « On va faire des weicks » disaient-ils.
Le mot « weicks » était employé pour désigner les bocaux à stériliser.
Comme certains autres mots (par exemple : « passe-vite », « torpédo », « bic »... ), le nom propre de la marque Weick était passé dans le langage courant sous la forme d’un nom commun, « weick », et cela même pour désigner des bocaux d’autres marques.
Mon propos n’est pas tellement de développer cette manière de conserver les aliments (encore utilisée aujourd’hui), mais d’évoquer une anecdote vécue que des objets du musée m’ont rappelée.
Nous savons tous, du moins je le crois, que ces bocaux sont hermétiquement fermés par le vide d’air obtenu lorsqu’ils ont été portés à ébullition.
Ce jour-là, c’est le bocal de haricot que nous allions consommer.
« Po drovi l’weick, i fat sètchi sa l’lapkène di caw’tchou. » (Pour ouvrir le « weick », il faut tirer sur la petite languette de caoutchouc.)
Ma grand-mère, n’y pouvant plus, m’avait demandé :
- « Tu y parviendras peut-être mieux que moi avec tes petits doigts ».
J’avais beau tirer de toutes mes forces et même d’essayer avec mes deux mains, rien n’y fit.
C’est alors qu’on fit appel à mon grand-père (encore lui).
De ses gros doigts, il n’obtint pas de meilleur résultat.
- « Quéne èmantcheûre ! »
Alors aux grands maux, les grands remèdes. Il alla chercher une pince.
Un seul essai fut concluant pour arracher la languette sans pour autant ouvrir le bocal.
- « Sacri sèt’ cint mèye miliârd di sint no di dju ! »
Un couteau allait faire l’affaire.
Il essaya d’introduire la lame entre le couvercle et le bocal; mais c’est la lame du couteau qui céda.
- « Fat-st-arèdji ! »
Alors, dépité, il s’acharna si fort sur le couvercle avec son couteau mutilé, qu’il parvint enfin à casser le couvercle et le bocal.
Il quitta la cuisine, laissant les haricots dégoulinants dans les vestiges du « weick ».
Il fulminait.
Par décence pour le lecteur, les jurons proférés à cet instant se doivent d’être censurés.
Grand-maman séria avec minutie les haricots des morceaux de verre puis lava et relava les légumes.
Nous avons tous mangé de la potée avec une certaine appréhension... mais personne n’a été malade.
On ne jetait pas facilement dans le temps.
Ils ne connaissaient sûrement pas l’ouvre-bocal « Pouwers » (photo) ; celui-ci permettait d’ouvrir les bocaux avec facilité. En effet, un fin fil d’acier était placé sur le joint de caoutchouc puis à l’aide d’un levier le fil était forcé de s’introduire sous le couvercle provoquant le « pchutt » (l’appel d’air).
D’autres types d’ouvre-bocaux sont visibles au musée.
J. Andrien
Paru dans le n° 455 de Blegny Initiatives de août 2014