Le carreau de repasseur
La table, entièrement «nappée» d’une couverture et d’un drap de toile blanche, était ainsi préparée en vue du repassage.
D’un côté, suivant les consignes, je superposais, un à un, quelques mouchoirs en les étendant au mieux avec la paume de la main...
Grand-maman, à l’aide d’une poignée spéciale en bois (à voir au musée), prélevait un fer à repasser de la taque du poêle puis en présentait la semelle à sa joue à une distance d’environ 25 centimètres.
Cette opération avait pour but de ressentir le rayonnement de la chaleur du fer et de déterminer si elle était suffisante pour effectuer correctement le repassage des mouchoirs.
Le fer était alors déposé à ma droite sur un porte-fer.
Muni d’une sorte de grande moufle très rembourrée à l’endroit de ma main et prolongée d’une longue manchette, je saisissais le fer et le posais au centre du premier mouchoir... Toujours partant du centre, j’imprimais au fer des «huit» jusqu’aux coutures des quatre côtés. Sans me brûler, à l’aide de la main gauche, il fallait alors plier le mouchoir en deux, puis en quatre sans le froisser.
Ma grand-mère insistait très fort sur la minutie de ce mouvement.
« Attention, tu dois bien superposer les coins avec précision ! »
Une erreur de ma part était sanctionnée par l’obltgation de tout recommencer...
Alors que j’affinais mes performances, elle me surveillait néanmoins du coin de l’oeil tout en me rappelant :
« Attention, fais bien coin-coin, hein ! »
Eh oui, enfant, nous devions mettre les mains aux tâches domestiques !
Tandis que de l’autre côté de la table, grand-maman procédait au repassage du linge nécessitant une plus grande dextérité.
De la main droite, elle prélevait un fer de plus grande taille puis, humectant son majeur gauche d’un peu de salive, elle effleurait la semelle du fer sans se brûler...
La réaction sonore «pchutt» lui donnait aussi une indication quant à la bonne température du fer.
Pas de thermostat sur ce genre de fer !
Mais pourquoi n’utilisait-on jamais le fer posé sur la commode en guise d’objet de décoration?
« Ce fer-là appartenait à mon grand-père qui était tailleur. » Et ma grand-mère de poursuivre : « On appelle ce fer un carreau de tailleur ou de repasseur ; il servait à rabattre les coutures et à ‘casser’ les cols lors de la confection d’un costume ».
Grand-maman insistait très fort sur le fait qu’il s’agissait d’une profession masculine.
En effet, sans être taxé de sexisme, il faut bien admettre que les hommes sont plus musculeux; les carreaux (photo ci-jointe) pèsent respectivement 6kg350 et 9kg600...
Il fallait donc de gros bras pour les manipuler !
D’autres types de fers à repasser font partie de la collection du musée. Venez voir !
J. Andrien
Paru dans le n° 459 de Blegny Initiatives de décembre 2014