Le coussin et le brassard de communiant
Tout était neuf mais tout était trop grand ! La veste de mon costume, aux épaulettes tombantes, avait des manches qui me couvraient les mains jusqu’aux premières phalanges. Ma chemise bien que complètement boutonnée paraissait béante.
De ma culotte courte bien trop large, froncée à la taille, sortaient deux maigres guibolles.
Mes bas mi-longs ou plutôt trop longs couvraient mes mollets (de coq) jusqu’au genoux.
Dans le fond de mes nouvelles chaussures deux épais tampons d’ouate bloquaient l’avancement de mes gros orteils.
Il n’y avait guère de magasin proposant du prêt-à-porter et c’est chez un tailleur répondant aux exigences de mes parents que l’on me fit confectionner ce costume trop grand.
Il faut dire que tout portait à croire que j’allais m’étoffer et que mes vêtements allaient me seoir dans un avenir plus ou moins proche. C’est que l’on grandit vite à cet âge-là.
En effet, deux ans plus tard, mon costume élimé, était enfin ajusté. Moi, c’est le jour de ma communion que j’aurais voulu être beau.
Les autres communiants me paraissaient beaucoup mieux fringués et en plus, certains portaient brassards richement brodés et pochettes assorties (photo).
La blancheur de tous les brassards, uniquement portés au bras gauche des garçons, symbolisait la pureté. Les différents modèles plus ou moins riches étaient source de ségrégation...
Sur les prie-Dieu, d’aucuns pouvaient poser leurs genoux sur des coussins richement décorés (photo)
Ne parlons pas des filles que nous découvrions, interloqués, dans des robes immaculées aussi somptueuses les unes que les autres...
L’année suivante (1955) les aubes blanches appelées «robes- Jésus» allaient gommer toutes ces différences, mais pour moi, c’était trop tard !
Quant aux souvenirs de communion que l’on se partageait, moi je n’en avais pas !
Que de tristes souvenirs et pourtant...
J’avais reçu ce jour-là, un buste du Sacré-Cœur en plâtre polychrome (à voir au musée) d’une vieille «matante» que je ne connaissais pas. A plusieurs reprises au cours du repas elle me serinait: «Faut bien prier le Sacré-Cœur savez-vous !... Tous les jours matin et tous les soirs... Faudra pas oublier !... ». A ces litanies, rapidement ennuyeuses, je répondais d’un sourire poli mais forcé .
Toutefois ce rictus allait se métamorphoser progressivement en un franc sourire amusé provoqué par les «clignétes» (clins d’œil) de mon grand-père.
J. Andrien
Paru dans le n° 465 de Blegny Initiatives de juin 2015