La pince à agrafer et la pince à tatouer
Ce jour-là, à !a ferme, on m'avait donné un gros bâton. J'avais pour mission de maintenir les gorets dans leur porcherie. Ils allaient bientôt connaître la semi liberté dans la prairie jouxtant la ferme.
Mais avant, les fermiers allaient leur placer des agrafes spéciales à l'extrémité du groin à l'aide d'une pince adéquate (photo).
Certains jeunes gorets ont quelquefois la mauvaise habitude de mordiller, voire de mordre la queue de leurs congénères ; ce qui peut causer des complications telles que nervosités, hémorragies, infections...
De plus, il faut savoir que le cochon (comme le sanglier) est friand de vers de terre et de racines; aussi quand il a l'odeur d'un ver dans le nez, il se met à fouir le sol. Cela a pour conséquence de retourner les pâturages et de les transformer en champs mal labourés où l'herbe ne pousse plus.
L'anneau nasal ainsi posé allait définitivement entraver ces pratiques.
Le positionnement de ces agrafes (« avou l'picète a måyètes »), bien que très rapide, n'était pas sans douleur ni sans stress; aussi les jeunes porcs se mettaient à couiner de plus en plus fort comme si on allait les égorger.
La panique s'était progressivement installée dans la porcherie, ce qui a finalement provoqué la ruée des jeunes cochons vers la sortie...
Ce n'était plus le bâton que je tenais en main qui allait encore les dissuader de prendre la poudre d'escampette.
Ils ont bousculé tout sur leur passage et moi en premier. (« I rouflît tot djus so leû passèdje »)
Je fus retourné comme une crêpe (« Dji vola lès qwate fiérs è l'êr ! »).
Hébété, privé de mon bâton, ne sachant si j'avais mal quelque part, je suis allé me réfugier dans la cuisine loin des cris porcins et des jurons des fermiers qui me reprochaient d'avoir mal accompli ma tâche.
Les fermiers, membres d'une association d'élevage, recevaient la visite d'un préposé au marquage des porcs. Cela s'effectuait à l'aide d'une pince à tatouer (photo). Les chiffres, formés de picots, étaient disposés dans la pince puis enduits d'encre spéciale; ensuite le tatoueur perforait les oreilles.
Malgré que cette opération était, soi-disant, peu douloureuse, les bêtes criaient de douleur et/ou de peur.
Bon à savoir :
Les cochons, comme les humains, (à moins qu'il ne s'agisse du contraire) connaissent les vertus bénéfiques et thérapeutique des bains de boue.
La partie de la soue que l'on pourrait appeler le dortoir est toujours spontanément maintenue propre et sèche. Pas si cochon que ça... les porcs !
Ce sont les hommes qui ont préconisé le « piercing » et le tatouage pour les cochons et non l'inverse
J. Andrien
Paru dans le n° 472 de
Blegny Initiatives
de février 2016