Cireuse

La cireuse

Il y a environ trente ans, alors que germait à peine dans ma tête l’idée de créer un musée, j’ai commencé par fré- quenter de manière assidue les brocantes des environs... Afin d’affiner mes recherches, je me suis inscrit aux cours de brocante et d’antiquariat organisés à l’Athénée de Soumagne...

A la manière de Sherlock Holmes, muni d’une loupe, d’une lampe de poche, d’un canif, d’un cure-dent, d’une gomme et d’un mètre ruban, je me suis exercé à la « lecture » des objets en étant attentif aux moindres détails révélateurs d’authenticité ou de malfaçon. Progressivement je me suis constitué une belle bibliothèque de livres principalement spécialisés dans le domaine de la vie rurale. J’ai également visité, et visite encore, de nom- breux écomusées afin de peaufiner mes connaissances.

Et malgré cela, je me suis comporté lors d’une de mes dernières brocantes comme un « parachutiste » (C’est le nom, dans le jargon des brocanteurs, que l’on attribue à une personne qui achète subitement n’importe quoi à un très haut prix).

Sur les brocantes, on peut faire de bonnes affaires mais ussi on se fait quelque fois « refaire » et il faut le savoir!

L’ objet (voir photo) posé sur le tapis avait suscité mon intérêt parce que : frappé du perron liégeois. Je l’ai pris en main et l’ai examiné attentive ment. Il était lourd (3kg 150) et semblait complet... mais à quoi pouvait-il bien servir?

Le brocanteur occasionnel m’avoua qu’il ne savait pas, mais qu’on lui avait dit qu’il s’agissait d’un outil pour ouvrir des vannes d’eau à la ville de Liège. J’étais dubitatif. Rapidement, il y eu un petit attroupement autour de moi, chacun y allant de ses supputations, déductions et hypothèses...

Vu le caractère insolite de l’objet et l’estampille du perron ; je « devais » me procurer cet objet. J’arriverai bien à trouver sa finalité exacte, me disais-je. Le prix prohibitif fut très très dur à négocier.

J’ai été interpellé plusieurs fois lors de la traversée de la brocante par des personnes curieuses avides de savoir à quoi...

J’avais un goût amer, je n’étais pas convaincu du bien fondé de mon achat. J’avais le sentiment d’être un plouc, un béotien, un pigeon...

Mon cerveau était tourmenté quant à savoir, tant qu’à regretter...

A peine avais-je franchi le seuil du musée, que me vint la lumière. Il s’agissait tout simplement d’un manche d’ancienne cireuse (photo) dont il manquait le lourd patin. (9kg150). Cireuses munies de brosses en chien- dent et chantournées d’un bourrelet en crin pour prévenir les coups dans les plinthes et les pied de meubles. Le manche d’un mètre nonante permettait des mouvements amples et un mécanisme de rotation à 360° facilitait les déplacements en huit de la cireuse « calée » transversalement ou longitudinalement.

Loin de me tancer, mon épouse me dit avec sagesse : « Toute expérience est source d’apprentissage et les re- grets sont stériles... ». Peut-être pourrais-tu profiter de ton après-midi pour cirer les parquets de l’étage !

J. Andrien

print Paru dans le n° 478 de urlBlegny Initiatives de septembre 2016

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien