Brouettes

Les brouettes

Il avait fait très chaud, ce jour-là ! Bonne-maman était allée se reposer un peu plus tôt que d’habitude...

Juliette, notre petite-fille, allait donc rester en ma compagnie.

« Que veux-tu pour souper ? » D’emblée la réponse fut: « Des spaghettis à la manière de Papy-musée ! »

« Papy-musée » est le nom qu’elle m’a attribué... et je n’en suis pas peu fier.

Juliette voulut participer à la préparation du repas : collecte des ingrédients, pesage de ceux-ci, mélange... Seule, pour des raisons de sécurité, la cuisson ne lui fut pas permise.

La recette restera secrète mais la manière de consommer les spaghettis consiste à les manger chacun dans son poêlon avec une cuillère en bois.

Juliette raffole de ce menu et mange de bon appétit. Après le repas, elle fit un brin de toilette et revêtit son pyjama.

- Tu me raconteras une histoire inventée par les enfants que tu avais quand tu étais professeur ?

Sans bruit, à pas feutrés pour ne pas réveiller Bonne-maman, elle est venue s’installer près de moi et a ouvert le classeur des histoires...

Un à un, elle décryptait les dessins, essayait d’anticiper puis lisait le texte...

- Bravo, Juliette ! Tu as très bien lu ! Essaye de bien rete l’histoire pour pouvoir la raconter à Bonne maman.

- Il est tard maintenant... Il faut faire dodo.

- Cette nuit, tu vas dormir dans le grand lit de ton papa... Je vais t’accompagner un moment puis tu resteras toute seule... Je laisserai la porte légèrement entr’ouverte et laisserai la lumière sur le palier.

Juliette se glissa sous les draps dans le lit et me demana: « Quel âge est-ce qu’il avait quand il a eu son lit ? »

- Je ne me souviens plus très bien... je crois qu’il avait trois ou quatre ans.

- Et toi, tu avais quel âge à ce moment là ?

- Environ 27, 28 ans...

- Il est resté jusqu’à quel âge dans son lit ?

- Jusqu’à l’âge de 22, 23 ans, je crois.

- Et toi, Papy-musée, tu avais quel âge à ce moment là ?

- Eh bien 46 ou 47 ans...

- Et moi, quand j’aurai 47 ans, quel âge auras-tu ?

- Oh, ma petite Juliette, je ne serai plus là !

Alors, sans mot dire, elle se redressa dans son lit, me prit la tête entre ses bras et me serra très fort pendant un long moment.

Je n’ai pas pu retenir mes larmes empreintes de tristesse mais aussi d’une joie profonde.

- Recouche-toi, ma libellule... Demain on annonce encore du très beau temps. Nous irons faire une petite promenade dans le village. Je t’installerai comme une eine dans la brouette en bois du musée... Fais de beaux rêves.

Je me rappelle avoir emprunté ce même genre de véhicule conduit par mon grand-père.

Pour info : A Visé, fin des années 40, il existait encore une fabrique de brouettes en bois... chez Roujob, Ave nue Albert 1er.

Ce type de brouette tomba en désuétude au profit de brouettes métalliques plus légères et plus ergonomiques.

Sur la photo : une brouette avec des hausses amovibles et une brouette civière.

J. Andrien

print Paru dans le n° 479 de urlBlegny Initiatives d'octobre 2016

© Musée de la Fourche et de la Vie rurale - J. Andrien