Le torchon

L'horloge de parquet

On me l’avait bien expliqué, et j’étais très prudent et délicat...

Il fallait soutenir le poids et en même temps exer-cer une traction sur la chaîne... et procéder ainsi de plusieurs mouvements successifs pour amener le poids à son plus haut point. Cette façon de faire avait pour but de ne pas devoir tirer trop fort sur la chaîne et ainsi ne pas risquer de distendre les maillons.

C’est comme cela qu’il fallait faire pour remonter l’horloge de parquet qui se trouvait dans la cuisine de mes grands-parents. Cette opération, je l’avais déjà effectuée plusieurs fois et à chaque visite, j’étais autorisé à procéder de la sorte. J’étais fier d’endosser cette responsabilité!

Sans aucun doute, ce jour-là, j’ai fait une fausse manœuvre...

Boum! Le poids s’est décroché et est tombé lourdement au fond de la gaine dans un fracas qui a fait sursauter ma grand-maman.

- Tire toi de là et va-t-en !

J’étais confus. En voulant trop bien supporter le poids afin de ne pas forcer sur la chaîne, il s’est décroché et m’a filé des doigts. Tapi dans mon coin, je pleurais de désarroi.

Pendant bien longtemps, je n’ai plus osé remonter l’horloge et on ne me l’a plus proposé.

De la porte fenestrée*, j’ai souvent observé les oscillations du pendule circulaire rutilant comme un soleil couchant. Ce mouvement, accompagné du lent tic-tac qui résonnait dans la gaine, avait un pouvoir de fascination... Je l’ai souvent regardé tout en rêvant.

A l’heure de l’électronique, ce type d’horloge est tombé en désuétude; de plus, elles sont en général très haute et ne trouvent plus place dans les constructions modernes.

L’horloge du musée, est une horloge chinée sur une brocante. La sculpture de la porte laisse apparaître un motif religieux, un calice rehaussé d’une hostie, ce qui me laisse à pen-ser qu’il s’agit d’une horloge de curé.

Les éléments épars sur le sol semblaient totalement disparates

Aux questions : « Est-elle complète ? Fonctionne-t-elle encore ? D’où provient-elle ? »

La réponse fut très évasive : « Je n’sais pas, hein moi ! Faut la prendre dans son jus et vu son prix dérisoire, faudra pas réclamer. »

De bon gré, le brocanteur m’a gentiment aidé à regrouper tous les éléments et à les transporter jusqu’à ma voiture.

Après décrassage et remontage, elle a (re)fonctionné avec exactitude et en plus, elle sonne les heures. Quoi de mieux !

Joseph Andrien

print Paru dans le n° 511 de urlBlegny Initiatives de septembre 2019.

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