Le pigeon

Le pigeon

Ce matin-là, j'avais fait une très grasse matinée et, malgré ma douche et mon café, je me sentais encore flagada. J'ouvris la porte donnant sur la cour et écartant les bras, je me suis étiré un maximum... "Ah! Que ça fait du bien !".

Mais, qu'est-ce donc au milieu de la cour ?

Un pigeon accroupi, quelque peu ébouriffé, se releva... Puis, s'approcha progressivement de moi en se dandinant sans jamais me quitter des yeux.

J'entrepris de lui parler : " Piti, piti, pitîîî ! Qu"est-ce que tu fais là ? "

Le pigeon fut à mes pieds à moins de cinquante centimètres. Je vis à ce moment-là qu'il était bagué.

Sûrement un pigeon voyageur participant à un concours " pensais-je. Si je parviens à l'attraper, je pourrais le ramener à la Société colombophile locale. Mes tentatives échouèrent ; et bien qu'il ne s'envolait pas, il avait suffisamment de vivacité pour éviter mes mains " menaçantes ".

Mais ce n'est pas pour autant qu'il se sauvait. Faisant quelques pas de côté, il me suivait toujours.

J'entrepris alors de le quitter un court instant pour prélever quelques graines de mes poules. A mon retour le pigeon était toujours devant ma porte.

Oufti ! Quel régal ! Le pigeon se mit à picorer de bon appétit.

Repu, il continuait de me suivre partout. Je suis même allé dans mon atelier où il m'a accompagné malgré le bruit d'une machine. Par deux fois, j'ai arpenté ma cour toujours avec le pigeon à mes trousses... J'y prenais beaucoup de plaisir !

Après quelques instants de congé, il avait quitté le seuil de la porte mais je fus vite rassuré car il quitta le toit de ma tonnelle pour aboutir à mes pieds.

- " Toi, tu vas mieux ! ". Il me regarda de côté d'un petit air entendu.

Un peu plus tard, c'est sur le faîte du toit de la maison qu'il avait pris place. A mon appel, il plongea aussitôt pour venir à mes pieds mais cette fois sans vraiment se poser. Il reprit de l'altitude, se mit à tournoyer pour enfin disparaître.

J'ai alors fermé les yeux pour mieux le voir. A la fois triste et content, je me suis mis à rêver...

Je me suis "revu" assis sur un banc en compagnie de mes aînés ; c'était un dimanche matin, un beau temps de pigeon, il y a 70 ans. Nous avions tous le nez en l'air et nous scrutions le ciel. Lorsqu'apparaissait un pigeon, nous bougions peu et parlions bas ; seul le propriétaire du pigeon quittait sa place pour regagner son pigeonnier tout proche.

On entendait des "roucoucou, roucoucou,..." émis par l'homme.. Car si le pigeon s'était posé sur la planche, il fallait encore qu'il rentre pour pouvoir fermer le clapet, ensuite l'attraper et lui prendre sa bague de caoutchouc. Celle-ci était alors introduite dans un petit étui, lequel serait immédiatement placé dans le constateur scellé (photo).

C'est le trophée en faïence (photo) qui m'a rappelé ces faits réels vécus.

Li colon

Ci djoû-la, dj'aveû fêt 1' crasse matinêye, et mâgré 'ne bone douche et ine jate de crâs café, dji m' sintéve co tot-èdwèrmou. Dji drova l'ouh dînant so F cour tôt stindant lès brès' et fant ine grande baye..."A ! qui coula fêt dèbin !"

Mins qwè-z-è-ce à mitant dèl cour ?

On colon acropou, ravizant a on boubou si dressa so ses pâtes... Adon-pwis i v'na sor mi tôt doûciètemint tôt fant hossî s' cou sins qwiter mès-oûy.

Dji m' mèta-st-a lî djâzer: "- Piti, piti, pitîîîî, qui fês'-s' la ?"

Li colon ariva-st-a cinquante çantimètes di mes pîds et la, dji vèya qu'il èsteût baguelé.

Sûremint on colon d1 tape on pô pièrdou. Si dji parvin a l'apicî, dji pôreû 1' raminer al société dès colèbeûs de viyèdje. Dj'aveû bin sayî di l'aprèpi, nin moyin. Mâgré qu'i n' s'èvoléve nin, il aveût assez d' nier po cori èvôye... Ô, nin Ion... si dji fève deûs' treûs pas so 1' costé, i m' sûvéve todi.

Dj'èl qwita li timps d'aler qwèri on pô di l'amagnî d' mes poyes. Riv'nou, li colon èsteût todi d'vant l'ouh. Oufti ! qu'éne ripaye, li colon si meta a tchampi a s' binâhe.

Ripahou, i m' sûvéve corne on tchin. Il m'a minme sûvou è mi-ovreû mâgré l'arèdje d'ine machine. Deûs fèyes dj'a trafté èl cour li colon todi a m' cou. Coula m' dinéve de plêzîr.

Après esse dimanou tôt seû quéquès munutes, il aveût qwité 1' pas d' l'ouh, mins dji fouri vite rassuré, ça i qwita l'teût di m' gloriète po bouter a mes pîds.

"- Twè, ti vas mis." I m' tapa on côp d'oûy corne s'i m'aveût compris.

On pô pus tard, c'est so 1' crèsse de teût dèl mohone qu'il aveût pris pièce. Qwand dj'èl houka, i plonka tôt dreût sor mi, mins c' côp chai sins vrêyemint s'taper. I remonta, si mèta-st-a toûrniker et biza-st-èvôye.

Dj'a don clignî lès-oûy po mis F vèyî. Al fèye anoyeûs et binâhe, dji m'mèta-st-a sondjî...

Dji m'a "r'trover"achou so on banc avou mes tâyes; c'èsteût-st-on dîmègne à matin, on bê timps d' I colon, i-n-a d' coula 70 ans. Nos avîz turtos F narène è Fer et nos loukîs F cîr. Qwand on colon aspitéve, nos n' bodjîs nin et nos djâzîs tôt bas. I n'aveût qui F prôpriétêre de colon qui qwitéve si pièce po griper è s' colèbîre.

On oyéve dès "roucoucou, roucoucou" qui F colèbeû hûzéve... ça si F colon s'aveût mètou so F plantche, et faléve-t-i co qui passe li hapà po sèrer F clapet et adon lî prinde li bague di caw'tchou. Cisse-chal èsteût mètowe divins 'ne pitite wâde et mètowe è constateû (foto)

C'est F trofée di fayance (foto) qui m'a fêt tûzé a ces bês moumints qui dj'a vrêyemint viké.

Joseph Andrien

print Paru dans le n° 547 de urlBlegny Initiatives de décembre 2022.

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